L’avocat :
Vous
nourrissez une haine barbare pour la gente animale, mais si, ne niez pas, il
n’y a qu’à regarder vos tableaux !
Le présumé
coupable :
Je ne
comprends pas ce qu’on me reproche.
L’avocat :
Vous ne
voyez pas ? vous n’avez pas la moindre petite idée ?
Le présumé
coupable :
Je me
contente de peindre et de dessiner, je n’ai de haine pour personne.
L’avocat :
Très bien,
nous allons entendre le premier témoin. J’appelle Madame Rondin à la barre.
S’il vous plaît, madame pouvez vous dire dans cette assistance, ce que vous
avez confié au juge hier matin ?
Premier
témoin :
C’est que
je suis timide. Bon, je vais essayer de dire tout ce que je sais. C’est que je
n’y connais rien en peinture, alors vous
comprenez, moi, ce que je pense, ne va peut-être pas vous aider.
L’avocat :
Pourriez
vous cerner le sujet qui nous intéresse plus précisément ?
Premier
témoin :
C’est que
monsieur ne peint et ne dessine que la moitié des choses.
L’avocat :
De quelles
choses précisément parlez vous ?
Premier
témoin :
He bien des
bêtes en particulier. Il leur manque toujours quelque chose. C’en est même
indécent !
L’avocat :
Là !
vous avez entendu ? Monsieur estropie ses sujets, il les massacre, c’est
un criminel ! Mais il va plus loin encore ! Tenez, je fais circuler
les pièces à convictions. Mesdames et messieurs les jurés, regardez les dessins
je vous prie. N’y voyez vous pas un esprit maléfique ? cet homme est
insensible, il est froid, et toute son œuvre est le portrait vivant de ce qu’il
incarne.
Madame
Rondin, vous pouvez regagner votre place.
J’appelle à
la barre le deuxième témoin, Monsieur plancher.
S’il vous
plaît monsieur, pouvez vous nous dire ce que vous savez sur cet homme ?
Deuxième
témoin :
J’étais en
train de promener mon chien, comme je fais chaque jour, et comme il pleuvait,
j’ai du remonter chez moi pour prendre un parapluie, il faisait du vent aussi
et la nuit allait tomber…
L’avocat :
Monsieur
Plancher, après les considérations climatiques, pouvez vous avancer et nous
dire ce qui vous a interpellé ce soir là ?
Deuxième
témoin :
Personne ne
m’a interpellé, j’étais tout seul avec mon chien.
L’avocat :
Il s’est
passé quelque chose ce soir là qui vous a choqué, quel est cet événement ?
Deuxième
témoin :
Ah oui, j’y
suis, j’ai sifflé mon chien. D’habitude, il revient tout de suite, mais là, je
l’ai retrouvé en compagnie du peintre, et le chien avait l’air de bien le
connaître ; Il restait assis à côté de lui. Alors je me suis approché, et
c’est comme ça que j’ai vu ce qu’il faisait!
Pouvez vous
dire à l’assistance ce que faisait le peintre ?
Il
dessinait mon chien. Mais quand j’ai vu le tableau j’ai été très choqué. Il
n’avait qu’une patte, pas de queue et un ventre énorme. Il avait commencé à barbouiller
le haut en rouge ! j’étais outré.
L’avocat :
Merci
monsieur Plancher. Vous pouvez regagner votre place.
C’est tout monsieur
le président.
Le
juge :
La parole
est à la défense, Maître Jeanjean, à vous !
L’avocat de
la défense :
Mesdames et
messieurs, on parle ici d’un acte monstrueux, mais mon client n’est en rien
coupable. Il n’a jamais torturé qui que ce soit !
A-t-il tué
un animal ? la réponse est non !
A-t-il
martyrisé un animal ? la réponse est non !
Alors, quel
est le crime pour lequel mon client a été arrêté ?
Je vais
vous le dire : le peintre que vous voyez ici, est un homme humble, bon,
affable, bref, il n’a rien d’un tortionnaire, il peint la gente animale selon
une représentation qui échappe aux personnes qui ne connaissent rien à l’art.
Je dirais
même que ces toiles sont issues d’une vision naîve de ses sujets ! des
enfants ne seraient pas choqués de les voir, ils lisent des contes autrement
plus choquants où règne une atmosphère de peur et de terreur !
Soyons
sérieux : lorsque nous voyons une personne de profil, voyons nous les deux côtés à la fois ? ou une partie
nous est-elle cachée nécessairement par l’autre ?
Alors
pourquoi voulez vous que mon client ne représente pas ses sujets partiellement.
Y voyez vous un acte de barbarie ?
Réfléchissez,
mesdames et messieurs, lorsque votre enfant dessine son père en lui coupant les
bras, est-il pour autant un assassin ?
Ne voyez
vous pas là, au contraire un reste d’enfance dans les peintures de mon client,
qui exprime la tendresse et l’amitié pour la gente animale ?
Maintenant,
j’aimerais entendre le premier témoin.
Madame Rondin, s’il vous plaît, je vous ai
entendue et j’ai bien compris combien
l’art de mon client vous est incompréhensible. Je vois que vous portez des
lunettes, portiez vous vos verres lorsque vous avez vu les toiles du
peintre ?
Le premier
témoin :
Il y a
longtemps que les lunettes ne servent plus à rien, je ne vois pas plus avec que
sans.
L’avocat de
la défense :
Mais alors
comment pouvez vous décrire et affirmer
que mon client n’aime pas les animaux au vu de sa peinture ?
Le premier
témoin :
C’est mon
mari qui m’a décrit ce qu’il voyait, et ça ne m’a pas plu du tout !
L’avocat de
la défense :
Merci
madame Rondin. J’appelle le deuxième témoin à la barre.
Monsieur
Plancher, vous avez le mérite d’avoir vu de vos yeux un dessin de mon client.
Ce jour là, il pleuvait, la nuit était en train de tomber, êtes vous sûr
d’avoir vu correctement le dessin ?
Le deuxième
témoin :
J’ai
regardé sur son épaule, mais je cherchais mon chien.
L’avocat de
la défense :
Et vous
avez reconnu le portrait de votre chien ?
Le deuxième
témoin :
Oui, c’était
bien lui, en moins beau.
L’avocat de
la défense :
En somme
cet animal n’était ni amputé, ni manchot, il ressemblait même à votre chien !
N’y voyez
vous pas de la bienveillance à l’égard de votre animal ?
C’est tout
monsieur Plancher, vous pouvez regagner votre place.
Monsieur le
président, mesdames et messsieurs les jurés, j’en appelle à la clémence et à la
réflexion.
Mon client
n’est coupable que d’avoir exercé son art !
Est-il
nécessaire de comprendre une œuvre pour l’aimer ?
Combien de
candidats au baccalauréat on réfléchi sur l’art ou sur la beauté ! la
représentation d’un sujet quelle qu’elle soit ne préjuge en rien des sentiments
de son auteur, lorsque celle ci n’est ni offensante ni injurieuse.
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