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Petite promenade singulière dans mon univers.
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mercredi 27 janvier 2010

le feuilleton Senteurs Extrêmes.

Drôle de type, ce Mathis. C'est un gars comme tout le monde, il ne roule pas sur l'or et les emplois qu'il trouve le confortent dans la solitude. Son amitié pour jérémie Tandieu va tout changer. Tout?
Pas vraiment. Mathis voue un amour et une admiration sincères pour sa mère, Pierette Beaujeu. Elle descend sans doute, d'une haute lignée.
Est-ce l'amour de l'histoire, que lui a transmis sa mère, qui va le pousser à "descendre" dans les siècles passés comme ils le faisaient ensemble autrefois?
Est-ce simplement sa passion secrète ou sa quête de lui-même qui va lui faire se créer des racines imaginaires?
Et si sa mère était vraiment une princesse?
Incapable de se raconter, car elle perd la mémoire, Pierrette Beaujeu perd l'histoire de sa vie, elle a tout oublié de son passé.
Alors, Mathis, avec amour et déraison, va lui retracer le fil de sa vie.
Jérémie va vivre l'histoire de Mathis comme on lit un livre, lentement, avec émotion. Pour la première fois,depuis l'enfance, il s'attarde dans une relation amicale.
Jérémie a-t-il le recul nécessaire pour démêler le vrai et le fantasque? Sera-t-il assez fort pour tendre la main à son ami avant qu'il ne perde la raison?

lundi 4 janvier 2010

Senteurs extrêmes

Petite suite d'un feuilleton inédit signé GALANE. 2009.

Senteurs Extrêmes.

Mathis respira profondément. L’air qui venait du dehors entrait par la baie vitrée de sa chambre. La brise ne ramenait aucune odeur reconnaissable. L’air venait, mais ne s’imposait pas, il frôlait le store et le soulevait par intervalles réguliers, il faisait tournoyer les papiers sur le chevet, mais il restait vague, pas même chargé du parfum des fleurs qui se balançaient contre la terrasse.
Un autre que lui eut trouvé l’air doux et agréable et se fut prélassé dans le lit par plaisir. Mathis chercha un qualificatif à cet air qui pénétrait la pièce, il inspira avec force l’odeur de la chambre et se résigna à fermer la vitre. Il tira sur l’encolure de son sous-vêtement et s’enfouit presque le visage à l’intérieur. Il prit une grande bouffée de l’air emprisonné dans le linge, et mesura son plaisir . Ce geste le ranima. Il jouit de cet instant comme un privilège, comme une femme à qui on donne des sels après un évanouissement.
Ce n’est pas la première fois qu’il remarquait la fadeur de l’air venant du dehors. Il ne trouvait pas d’autre moyen pour y remédier que de se réfugier dans ses vêtements, et de les humer comme un chien de chasse renifle l’odeur du gibier. La moindre sueur émanait lentement de son corps, remontait imperceptiblement pour se fixer enfin dans ses narines. Son esprit se dopait au contact de ce souffle et faisait jaillir des idées presque poétiques. Il se demanda comment il bâptiserait l’odeur de son corps et se promit de nommer à intervalles réguliers les variations qu’il ne manquerait pas de percevoir au cours de la journée.
Lorsqu’il était enfant, Mathis souffrait du parfum des autres comme une invasion insupportable. Il abrégeait les contacts, retenait sa respiration et sortait à l’air libre, happait l’air neutre qui pouvait effacer cette surabondance de sucs. Sa mère, qui ne supportait pas l’odeur des autres, s’inondait avec une eau de toilette aux senteurs profondes et poivrées, qui retenaient toute l’attention des visiteurs et étaient sensées masquer les effluves étrangères à son corps. Il décida que cette phobie olfactive lui venait directement de sa mère. Cette pensée le rassura et l’encouragea dans sa démarche de qualificatifs qu’il faisait sur lui même. Il arrachat une feuille vierge de son carnet de rendez-vous, et nota sérieusement son nom : Mathis Beaujeu. Pour être efficace, cette fiche de renseignements devait contenir,outre son âge ou sa raison sociale, des éléments stables sur son mode de vie, comme ses rencontres masculines et féminines ou même ses habitudes alimentaires. Chaque geste de sa vie, noté fidèlement, constituerait un panel fidèle de ses propres odeurs.
Il ouvrit le dictionnaire de synonymes à la page du mot odeur. Il fut déçu. Il ne se reconnut pas dans les distinctions nombreuses et variées. L’inventaire personnel qu’il souhaitait établir se heurtait à des termes presque malsains. Il trouva dans le livre peu de secours et convaint qu’il devrait se charger des définitions. Les descriptions seraient complétées du plaisir à respirer son corps à tel ou tel moment de la journée. Les inspirations brèves ou fugasses, ne lui permettraient pas d’emprisonner l’instant. Il fallait donc imaginer un livre comptable sérieux et exhaustif . Mathis se sentit heureux de la décision qu’il venait de prendre. Il ne savait pas encore combien ce simple geste allait modifier ses rapports au monde au point de se rendre haîssable.


Une nappe d’air tiède et douce remplissait l’appartement qui permettait à Mathis d’apprécier le calme et la solitude. La pâleur du matin donnait à la cuisine une allure hivernale, grise et froide . C’était un jour sans soleil, animé juste de quelques lueurs blanchâtres projetant sur les murs des ombres pâlotes. Il n’alluma pas les lampes, et vint s’asseoir devant la petite table de bois clair pour y prendre son déjeuner. Il se versa un grand bol de café noir dont le fumet n’évoquait aucun plaisir. Il apprécia l’amertume et se rendit compte qu’il ne sucrait jamais ses aliments. L’odeur du sucre le dérangeait jusqu’à l’écœurement et lui faisait songer, que chaque fois qu’il était exposé à en sentir l’arôme, une étrange sensation se produisait en lui. Il s’imaginait dans un bain de mélasse. Une colle caramélisée engluait ses doigts et s’infiltrait sournoisement sous la peau. C’était un calvaire.
Déjà, enfant, il s’ingéniait à éviter les amies que sa mère recevait le premier mercredi de chaque mois. Il profitait de ce que la crasse de ses mains et de ses vêtements l’obligeait à se tenir éloigné du monde pour éviter tout contact nocif. Il soufflait alors des baisers du bout des doigts en guise de bienvenue et agissait de même lorsque les dames s’en allaient. Il était convenu avec sa mère qu’il se laverait après le départ des visiteuses. Le carcan de crasse maintenait au chaud son corps et se mêlait à la sueur avec bonheur. La boue ne lui laissait aucune impression. Non pas qu’il recherchât des odeurs fortes, mais il avait remarqué, à s’être bagarré avec quelques camarades de classe, qu’il était attiré par quelques-uns, quand bien même ils étaient adversaires. Il s’arrangeait pour se tenir « par hasard » à proximité de l’un d’eux, au moment de la remise de copies par le professeur. Il prenait une bouffée de sueur au visage, et fermait les yeux avec délice . Les filles n’avaient pas le privilège des bonnes odeurs, il imagina que leur peau devait être aussi fade que l’air du dehors. Pour ne pas dévoiler son secret auprès des filles, il usait du même stratagème qu’avec les amies de sa mère, et les tenait à distance respectable tout en les flattant. Ainsi, il ne passait pas pour un goujat et pouvait respirer tranquille.
Mathis ferma les yeux et chercha dans sa mémoire les yeux de son père. Il les trouva dans un regard droit, sans ménagement, presque hostile. L’allure dure et roide de son père le plaçait toujours, lui, l’enfant, en état d’infériorité et réclamait inlassablement des comptes qu’il était bien en peine de fournir. Mathis fut un bon élève jusqu’au baccalauréat et songea même à faire des études longues, mais son père était décédé au lendemain de ses seize ans, ce qui lui laissait peu d’espoir d’aller à la faculté. C’est à cette même époque que madame Beaujeu dut faire des ménages . Les amies du mercredi avaient vite disparues, et sa mère ne fut jamais invitée. Les conditions de vie avaient totalement changé.
Mathis ne souffrit pas beaucoup de l’absence de ces femmes, qui jaccassaient toute l’après midi et n’accouchaient jamais d’aucun ouvrage, mais il vit sa mère changer peu à peu. La jeune femme svelte, au goût de poivre s’alourdit au grès des tâches ménagères. Elle ne riait pas souvent, mais accordait une attention véritable et tendre pour son fils et l’encourageait des yeux. Les yeux de son père n’apportaient pas d’amour, il le savait, maintenant qu’il était mort. Il ne souffrait pas de sa disparition. Il avait essayé de se rapprocher de ce père austère et froid et sentait sauvagement cette odeur d’homme de laquelle il espérait secrètement hériter. Mais les contacts étaient brefs et ne dégageaient pas le musc attendu. Il avait pourtant brûlé ses narines contre ses joues barbues et aspiré furtivement l’haleine de tabac brun. Il s’était bizarrement inspiré des attitudes de son père, peut être pour mieux comprendre quels sentiments l’animaient. Même dans les rares moments où ils se trouvaient seuls, son père ne le touchait jamais. Mathis se demanda ce qui avait pu unir ses parents. Il ne les avait jamais vu s’embrasser devant lui. Un matin, pourtant, il avait perçu en embrassant sa mère le mélange des odeurs de ses deux parents. Etait-il donc pestiféré ? ou bien attendait-il de son père des élans insensés qui ne viendraient jamais ? Il regretta de ne pas avoir enfermé dans une boite l’haleine de tabac brun et se demanda s’il arriverait un jour à la reconstituer.
Mathis repoussa le bol vide et se dirigea vers la salle de bain.
Il aimait particulièrement le samedi et se prélassait sans limite de temps. C’est au moment où il ne faisait rien qu’il travaillait le plus. Son esprit divaguait et traquait dans sa mémoire la panoplie d’adjectifs nécessaires au travail de qualification des odeurs. Il donna libre cours à la fantaisie et s’amusa de l’étendue des possibles. Des idées commencèrent à germer dans sa tête, qui ne cesseraient plus de le traquer. Il allait dédier ce descriptif à lui-même, pour son plaisir intime, il allait classer les moments, les heures, le climat, les saisons, ses états d’esprit, mais ne voyait pas encore comment effectuer des prélèvements et les conserver. Comment allait-il prolonger ces moments ?

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Je vis dans l'Ile de La Réunion depuis novembre 1970 et je m'y plais. J'ai fait toute ma carrière d'enseignante à La Réunion. J'aime dessiner, peindre, coudre, lire et écrire.