ANIMALETTRE-DESSINS GALANE: Ilot de verdure. Été 2010.

Floridum Mare ( Extrait des Trophées) de José Maria de Hérédia.

La moisson débordant le plateau diapré
Roule, ondule et déferle au vent frais qui la berce ;
Et le profil, au ciel lointain, de quelque herse
Semble un bateau qui tangue et lève un noir beaupré.
Et sous mes pieds, la mer, jusqu'au couchant pourpré,
Céruléenne ou rose ou violette ou perse
Ou blanche de moutons que le reflux disperse,
Verdoie à l'infini comme un immense pré.
Aussi les goëlands qui suivent la marée,
Vers les blés mûrs que gonfle une houle dorée,
Avec des cris joyeux, volaient en tourbillons ;
Tandis que, de la terre, une brise emmiellée
Éparpillait au gré de leur ivresse ailée
Sur l'Océan fleuri des vols de papillons.

Avant l’orage.Galane.2013.

D’ardoise et d’anthracite ou bien de blanc de Chine

Le ciel se désunit, dispersant les nuages,

Bousculant les flocons sur fond d’aigue marine,

De safre et de saphir merveilleux de plumage.

De la terre alezan, une poudre soufrée

Se soulève et tournoie, s’envolant dans les airs

Et les menus rosiers de bistre balafrés

Dansent et se balancent illuminés d’éclairs.

Une eau de source claire infiltre les rochers

Où les cactées ébrouent leurs feuilles opalines

Le vent de terre se traîne pour venir arracher

Les jeunes citronnelles aux ombres sibyllines.

Une pluie froide et dense arrose le jardin

Où l’herbe miroitante ondule sous la brise.

Une once de beauté sous des traits anodins

Renvoyant une image teintée de perles grises.

Le cadeau.

Tu ne m’as rien promis, je sais, mais je m’attends

À un ornement fin ou pure pacotille

Mais voilà que tu m’offres ce qui me surprend

Une étole de soie et un objet qui brille.

Curieuse, j’ai ouvert le tout petit coffret

Entourée de rubans et d’un fil de lin bleu

J’y ai trouvé niché dans un arceau discret

Un poème élégant en des mots amoureux.

Un saphir magnifique complétait le présent.

J’ai pleuré de surprise en mettant ce bijou

Et j’ai songé alors à mes chers parents

En vivant ce moment de bonheur le plus doux.

Et je t’ai embrassé mon matou singulier

Tes yeux ne mentent pas, tu m’aimes donc, c’est vrai

Tu serres un nœud d’amour un peu particulier

Et je tremble de joie plus que je ne devrais.

Nous nous sommes assis et tu m’as pris la main

Caressant de tes doigts mes cheveux ondulés

Je sais que maintenant aussi bien que demain

Tu me protègeras, je serais épaulée.

Comment dire merci à celui qu’on adore

Que l’on berce des yeux chaque jour que dieu fait

Je t’aime, sois en sûr, je t’aimerai encore

Le nœud de notre union ne sera jamais défait.

Le soir.

La pluie s’en va soudain laissant place à l’ennui

Un long souffle d’air chaud vient mourir contre moi

Plus un seul papillon ni d’oiseau, aucun bruit

Ne vient troubler le soir, je suis seule avec toi.

Écoute moi mon cœur qui bat tout doucement

Et se frotte au bonheur d’entendre tes émois

Je suis sûre que demain cessera mes tourments

Et dira que tu m’aimes et que tu es à moi.

Les ombres du jardin emplissent la maison

Une faible lueur éclaire un abat jour

Tu cherches de tes doigts les notes au diapason

Et tu joues prestement pour me dire ton amour.

Alors je m’alanguis sur coussins de velours

Je ferme enfin les yeux écoutant ta chanson

Je voudrais que l’instant s’éternise toujours

Et que nos cœurs heureux dansent à l’unisson.

Le repos.

Maladie d'amour ou d'amers sentiments

Impossible de dire ce qui nous suspend

Quand la vie nous chavire et que le temps se meurt

Que l'esprit fatigué vit de mauvaises heures.

Pourtant la vie est là qui oblige à parler

À se mettre debout, prier et partager

Que nous soyons content ou bien tristes à pleurer

Le cœur dans les senteurs d'un air doux et léger.

Et l'esprit vagabonde et danse sa chanson

Pétri et façonné par de belles idées

Aux jours fins dentelés ou au points de chausson

Lèvres de roses pales finement fardées.

Il fait beau tout à coup et le corps attendri

Tend ses bras ouverts vers un autre avenir

Et chasse les nuages lourds teintés de gris

En proie à l'émotion d'un heureux devenir.

Un vent frais parfumé soulève les cheveux

Et efface les traits et les rides du temps

Il repasse le cœur appelant de ses vœux

Un repos mérité au moins de temps en temps.

La rencontre.

Je n'oublierai jamais le matin merveilleux

Où tu m'as raconté qu'on n'aime qu'une fois

Qu'il suffit d'un regard au parfum capiteux

Pour que battent des ailes et naissent des émois.

Nous étions sur la plage après les cours du soir

La lune se levait dans le ciel déjà gris

Nous devinions en nous l'imperceptible espoir

Je t'aimais en secret et tu étais épris.

Je n'ai pas vu venir les années de bonheur

Je n'imaginais pas qu'on pût aimer ainsi

Nous qui avions vécu de bien mauvaises heures

Ne savions pas encore que l'on pu croire aussi.

Aujourd'hui je regarde les années passées

Et m'attendris encore en songeant que demain

Nous vivrons notre amour sans jamais nous lasser

Plus forts et généreux en nous tenant la main.

La querelle.Galane.2012

J’en ai assez, sais-tu, des vives remontrances,

Si au moins tu disais privément ton avis,

Mais non, tu t’exclames, quelques fois à outrance

Sans souci des voisins qui donnent en vis à vis.

Et voici patati, et voilà patata

J’ai laissé mes chaussures ailleurs que dans l’entrée

Toi qui ne supportes pas mon énorme fatras

Tu recules de rage, te voilà empêtré !

Je ris et je me moque de tes indignations

Tu m’avais bien perçue dans mon appartement

Avant que je ne fasse mon installation

Dans ton petit chez toi avec égarement.

Et te voilà outré, monsieur est partagé

Entre la colère et les éclats de rire

J’avoue que je ne me sens pas outragée

D’avoir mis le bazar, je m’attendais au pire.

Tiens, le calme revient, tu reprends tes esprits

Tu déclares soudain qu’il n’est pas important

De ranger tout de suite chaque chose à tout prix

Tu ramasses ton sac et m’embrasse enpartant.

Le coquelicot. Galane.2012.

Elle coupe dans le près un beau coquelicot

D’un rouge d’Andrinople ou de couleur de feu

Et elle l’accroche sur son noir caraco

D’un geste lent et doux presque minutieux.

Dans le champs de luzerne d’un vert de printemps

De jeunes boutons d’or et belles achillées

Secouent les lanières des feuilles dans le vent

Tandis que leur sépales semblent maquillées.

Et les chardons penchés aux têtes hérissées

D’un rose violet ou rouge grenadine

Se piquent de soleil sous les feuilles blessées,

Parentes épineuses de la fausse carline.

Sous les cirses ventrus à la toison laineuse

Poussent des pâquerettes glabres ou velues

Aux feuilles crénelées d’un vert de chartreuse

Et des pousses sauvages aux bulbes poilus.

Sur le bord du chemin tout caillouté de blanc

Des herbes folles blondes s’érigent vers le ciel

Et tapissent de paille un curieux petit banc

De pierre formant un dehors providentiel.

Et la brise légère bouscule les graminées

Et les coquelicots de rouge incandescent

Au loin un cumulus forme une cheminée

Et retombe en pluie dans les champs adjacents.

Alors le ciel noirci par les nues en colère

Colore d’acier la flore végétale

Fait fuir les insectes d’un souffle et accélère

La nuit silencieuse dans un climat létal.

Le vide. Galane.2012.

Je finirai un jour en tombant dans le vide

C’est ce qu’elle disait à qui voulait l’entendre

Je ne veux pas vieillir desséchée et aride

Je préfèrerais encore mieux me pendre.

L’oubli de la mémoire ayant pris les devants

Elle fut rattrapée par une maladie

Qui plongeait dans le noir les choses du vivant

Ce qui empêcha cette dure tragédie.

Comme si mourir pouvait soigner de tout

Comme si l’avenir n’avait plus aucun sens

Le corps murît, décline et soudain dissout

Les meurtrissures, et tout ce que l’on ressent.

A quoi bon préjuger de ce que l’on fera

Quand le moment venu il devient impossible

De passer à l’acte. Et la vie finira

Comme une délivrance et mort plausible.

Je ne veux pas finir gâteuse dit-elle encore

Comme toutes mes voisines d’âge sénile

Je préfère choisir mon destin et ma mort

Que de finir et croupir dans un asile.

Le sort en a décidé autrement pour elle

Ce qu’elle redoutait tant arrive aujourd’hui

Sa vie est devenue une âme impersonnelle

Qui attend sans savoir quel est son dernier jour.

Le jeu de patience. Galane.2012.

Cela va faire trois ans qu’il attend patiemment

De monter en grade, il l’a bien mérité

Il brigue un échelon ou un avancement

Et ressent maintenant une nécessité.

Il est jugé capable et même compétent

Et soutient avec zèle la moindre des missions

Il assure un travail sérieux impénitent

Et attend décemment une répercussion

Sur ses appointements. On a même prétendu

Qu’il allait pourvoir un poste de direction.

Les langues se délient sous un air entendu

On murmure qu’il aura telle proposition.

Mais voilà, le temps passe sans rien révéler

Il est toujours en place aux mêmes attributions

Hier il espérait qu’on allait l’appeler

Et avait préparé de belles résolutions.

Il occupe aujourd’hui le même poste qu’hier

Il ne peut prétendre à un meilleur emploi

On le rassure, il devrait même en être fier

Un échelon peut-être mais pas tout à la fois.

Alors déçu et las, il souffre tristement

Et se demande comment un stupide poltron

A été nommé aussi sournoisement

Sinon à faire la cour nuit et jour au patron.

Le bouquet champêtre. Galane. 2012.

Dans un vase de grès de belles graminées

Partagent un bouquet d’adonis d’automne

Les feuilles découpées de lanières fanées

Enserrent les pétales mortels et festonnent

Au cœur de la brassée de ces fleurs champêtres

De blanches marguerites au cœur jaune poussin

Éclairent de blancheur un côté de fenêtre

Et rehaussent l’ambre d’un joli dessin.

Un chardon velu aux feuilles découpées

Ouvre ses capitules d’un jaune brun soufré

Et pique des épines dans les tiges coupées

Les épis de fenouil se trouvent balafrés.

Il fleure des odeurs d’anis et de sous-bois

Ou la mousse grisée de bruine matinale

Une ombre détache un trait discourtois

Sur cette volupté de fleurs originales.

La tendresse.Galane.2012.

Elle lui prit la main, doucement, gentiment

Et caressa ses doigts de ses ongles polis

Il glissa à l’oreille un petit compliment

Ils faisaient tous les deux un couple accompli.

Les bruits de la soirée montaient à l’étage

Et étouffait les voix. On ne s’entendait plus

Il mit une fleur dans le pli du corsage

Elle joua la surprise et la belle ingénue.

L’orchestre jouait une valse entraînante

Et les couples enlacés tournaient dans le salon

Elle tira son bras et se fit suppliante

Il voulait l’emmener loin de tous ces flonflons.

Ils dansèrent enfin amoureux, et serrés

Leurs pieds suivaient le rythme de la mélopée

Au timbre sautillant, alerte et maniéré

Ils se posèrent enfin sur un lourd canapé.

Linvitation.Galane.2012.

Quelle robe et quel manteau vais-je mettre ce soir

J’aurais du acheter cet élégant tailleur

Dit-elle en se mirant d’un ton de désespoir

Je donnerais cent sous pour qu’on m’emmène ailleurs.

Il n’est pas un convive qui n’ait pas déjà vu

Toute ma garde robe et mes accessoires

J’aurais du les donner pour qu’on n’en parle plus

Au lieu de trépigner devant ce grand miroir.

Les gens vont chuchoter que je manque de goût

Que je manque de classe et de féminité

Que je suis démodée, et pas le moindre sou,

Que je vis des moments de grande austérité.

L’an dernier déjà, à l’extrême limite

J’avais déniché un beau crêpe de Chine

Je tenais avant tout à ce que l’on m’invite

Ma tenue aujourd’hui ne paye pas de mine.

J’opterai pour le noir et pour un haut beurre frais

Le sombre est élégant lorsqu’il est éclairé

Par des taches plus claires, ainsi je tablerai

Sur la mise classique et des bijoux dorés.

Tant pis pour les on-dit, je serai comme je suis

Du reste mon allure est jeune et décidée

Je ne suis pas du genre qui tremble et qui s’enfuis

Et puis je serai gaie et des plus regardées.

Mais, qui vois-je arriver, qui demande à entrer

Mon amie de toujours, grasse et potelée

Elle porte un nouveau sac qu’elle vient d’arborer

Et une robe noire de toile dentelée.

Elle s’acclame tout haut, que tu es ravissante

Ton ensemble en velours est du plus bel effet

Et me voici ravie, vraiment resplendissante

Ce soir je danserai devant tous les buffets.

Le départ. Galane.2012.

Elle tourna son visage une dernière fois

Le regard appuyé dans les yeux du passé

Et chercha dans le lointain le je ne sais quoi

Qui la fit revenir vers cette vie classée.

Mais elle ne trouva rien qu’un regard mensonger

Qui hantait ses nuits et abimait son cœur

Des promesses non tenues et des vœux passagers

Des yeux fuyants et faux d’un visage menteur.

Alors elle soupira comme à chaque départ

Et cria dans son corps silencieusement

Chaque fois elle voulait toucher quelque part

Cet homme qui la trompe régulièrement.

Elle pris son bagage chargé de souvenirs

Et ouvrit cette clé qui changeait son destin

Elle espérait vraiment ne jamais revenir

Elle souhait effacer ce malheureux matin.

Qu’allait il advenir de sa vie à présent

Elle n’imaginait pas qu’on put s’intéresser

À cette âme vidée, aux doux égarements

Il lui fallait tenir, s’obliger, dépasser.

Elle ferma la porte dans un dernier sanglot

Et courut dans la rue happée par le chagrin

Son âme trépidait en un puissant grelot

Et cherchait vainement à sortir du pétrin.

Une main l’accueillit, qui la fit tressaillir,

Qui la serra si fort qu’elle ne put respirer

Elle pouvait accepter, escalader, gravir

Les marches de l’oubli et se rasséréner.

Enfin elle se posa, murmura quelque chose

Des mots qui disaient qu‘elle était en survie

Son amie l’endormit par une douce prose

La nuit lui fit rêver qu’elle changeait d’avis,

Que demain, elle prendrait le chemin du retour

Qu’il était impossible de finir maintenant

Elle ne pouvait taire son impossible amour

Le jour la retrouva d’un calme impressionnant.

Elle avait décidé de retourner là bas

Il pardonnerait, comprendrait son désarroi,

Elle avait emporté juste un petit cabas

Elle y trouva un mot : je suis parti chez moi.

La laideur.Galane.2012.

J’aime le moche et le laid, le vilain, le fripé.

Il est avantageux car même en vieillissant

En aucune façon on se sent usurpé

Car la laideur finit toujours en grandissant.

La beauté s’amenuise avec les printemps

Elle ternit les objets, efface leur éclat

La nouveauté s’efface et ne dure longtemps

Il n’est pas un sujet qui reste en l’état.

Voir ce qui est hideux vilain et répugnant

C’est accepter l’idée que l’on est l’opposé

On se sent plus joyeux et même convaincant

Du reste le contraire nous rendrait névrosé.

Pourtant le déplaisant peut être passager

Et on peut espérer que cela va passer

Quand il s’agit d’objets, on peut envisager

De mettre un point final et s’en débarrasser.

Mais s’il s’agit de soi, de son humble personne

On se dit que l’on passe un mauvais moment

L’affreux ne peut vraiment être pour sa pomme

On rabat le miroir bien ostensiblement.

On affiche une moue ironique, moqueuse

On rigole un bon coup pour découvrir les dents

Et l’on prend une pause très avantageuse

On ne peut pas être horrible, c’est évident.

Alors une pensée pour les vrais malheureux

Ceux qui n’ont pas le choix, qui doivent se cacher

Nous traverse l’esprit et l’on se sent heureux

D’être du bon côté, de pouvoir s’afficher.

La beauté et le laid se rejoignent toujours

Lorsque l’on a vieilli, qu’on ne croit plus à rien

Lorsque les sentiments nous jouent des sales tours

Le temps désavantage toujours ce qui est bien.

Les diamants de couleur. Galane.2012.

Dans la niche de pierres du petit coffre fort

Un collier de diamants déverse ses reflets.

Et une main agile, aux élégants dehors

Le soulève fièrement pour en voir les effets.

Une belle parure d’or fin et de grenat

Avive la couleur des pièces de diamants

Passant du brun rouge au ton vif incarnat

Et révèle l’amour religieux d’un amant.

Une boucle d’oreille, ovale aigue marine

Renvoie des éclairs bleus de teint de ciel azur

Et se meurt doucement contre une feutrine

Blanche au froissé tendre et velouté d’air pur.

Et la main féminine se gante de saphir

Soulevant joliment une broche de nacre

Elle la porte à son cou comme pour se vêtir

Et admire enfin le ton du petit fiacre.

Des bagues en or gris et gravées joliment

Se mêlent aux rubans de velours anthracite

Où sont pendus camées ou médailles d’argent.

Sur un coussinet vert se pique une hématite.

Le coffre se referme nous fait oublier

Les bijoux merveilleux dans leur joli coffret

Le chatoiement de pierres rares des colliers

Mais il nous reste au cœur quelques menus regrets.

Le petit pied. Galane.2012.

Il a couru jadis à des années lumières

Et foulé vivement la vraie steppe d’Asie

Il a marché courbé en belle talonnière

Et poussé son talent jusque dans l’hérésie.

Le pied des miséreux marche sans encombre

Il porte son fardeau sans gémir ni crier

Des chemins boueux il en connaît le nombre

Il en faudrait beaucoup pour le voir supplier.

Ce grand pied d’autrefois s’est fort rapetissé

Il n’escalade plus pour pouvoir se nourrir

Il se couvre de cuir et doux rubans tressés

Et ne porte plus sans cris et maints soupirs.

Madame a son talon de bois et de tissu

Et trottine gaiment au point de les user

Elle cherche sans trouver une entrée, une issue

Et repart à grands pas comme pour s’amuser.

A-t-elle en souvenir ce que firent ses aïeux

Pauvres et valeureux qui retournent la terre

Pour donner au futur des enfants vigoureux

Et bâtir des abris de glaise et de pierre.

Et le pied ne sait plus se poser sur le sable

Il pare ses instants de mille commodités

Il se vêt de velours ou de cuir véritable

Et maquille ses ongles sans austérité.

Il est vain de songer à ne pas le laver

Sa corne fine et souple respire le parfum

Des cordons ou lanières savent entraver

Joliment cette peau en corset opportun.

Le pied lourd, fatigué, n’est plus emprisonné

Il se pose alangui, sur un siège drapé

Et s’endort mollement ainsi pelotonné

Tandis que sa maîtresse est sur son canapé.

La parade.GALANE.2012.

Non, ce n’est pas sa faute, il n’a rien fait pour ça

Il n’est jamais coupable, et saura le prouver

Il ne voit pas pourquoi quelqu’un le dénonça

Il est d’ailleurs très triste et vraiment éprouvé.

Vraiment, mais qu’a-t-il fait et pourquoi le tancer

Cet homme si intègre et pur est incompris

Des jaloux sûrement veulent le balancer

S’il était malhonnête, on l’aurait déjà pris.

Il a seulement volé les affaires d’autrui

Il a pillé son père et son meilleur ami

Son enrichissement n’est pas du tout fortuit

Sa fortune s’est faite en trois ans et demi.

Mais il n’a pas tué, c’est un gentil garçon

Il a du reste mis cet argent de côté

Il a juste un peu fait de la contrefaçon

Et les fonds de ses comptes se sont escamotés.

C’est bon, je veux bien croire qu’il exagère

Mais qui n’a pas triché un seul jour de sa vie

Allez jusqu’à dire que monsieur réfrigère

Oubliez tout ceci, vous me verrez ravi.

On calme, on minimise, on oublie les forfaits

Car cet homme est connu, il a pignon sur rue

Je crois que vous ne comprenez pas tout à fait

Que tout autre que lui eut déjà comparu.

Mais écoutons plutôt l’alibi de cet homme

Il n’a fait qu’emprunter la clé du coffre fort

Avec le bon espoir de rembourser les sommes

On ne peut reprocher qu’il ait fait un effort.

D’accord, libérons le, mais tous les autres aussi

Ceux à qui la fortune n’a jamais souri

Ceux qui restent honnêtes, qui n’ont pas réussi

Ceux là resteront pauvres, j’en fais le pari.

Les ammonites. Galane.2012.

Il me revient ce soir des souvenirs anciens

Où nous allions chercher quelques trésors cachés

Dans la terre glaiseuse des sols languedociens

Un dur périple auquel nous étions attaché.

Mon père allait, courbé sur les pentes pierreuses

La main sur le genou pour soutenir son poids

Il frottait de ses mains quelques parties sableuses

Ma mère l’encourageait de son tendre minois.

On trouvait, en grattant la terre du sentier

Des fossiles variés, de belles ammonites

Intactes, magnifiques ou de belles moitiés

Mon père brandissait de curieux trilobites.

Ma mère ramassait des grains de genièvre

Et nous laissait cueillir des baies odorantes

Nous avions tous au cœur une identique fièvre

Une même passion, unique et dévorante.

Et mon père édifiait une immense richesse

Où l’amour des enfants était son bréviaire

Ma mère régnait, admirable déesse

Aux heures de pauvreté nous étions millionnaires.

La moisson terminée, mon père exhumait

Et brossait ardemment pour les valoriser

Les fossiles et flèches. Il classait et nommait

Les trésors à coller qu’il fallait exposer.

Les vitrines étaient pleines d’objets africains

Et de pierres taillées ou de livres brochés

Mon père caressait du plat de sa main

Ces souvenirs auxquels il était attaché.

Dans cet appartement étrange, hétéroclite

Nous nous reconnaissions et étions très heureux

Qu’importe le bazar et l’ambiance inédite

Nous sortions de parents singuliers, généreux.

Ma mémoire retrouve ces fabuleux moments

Il coule une tristesse très dure à supporter

Mon père nous a quitté bien malheureusement

Ma mère souffre en silence et je dois l’accepter.

La Tablée. Galane 2012.

Ils sont là, accoudés à sucer leur liqueur

Ils parlent haut et fort et rient au moindre mot

Ils chantent au soir fini, au travail, à la sueur

Et épongent leur front ridé de cheminot.

Demain sera pareil il faudra repartir

Se pencher sur les moteurs noirs des machines

Mais ce soir seulement on veut se divertir

Un ami va marier se dernière gamine.

Elle est gracieuse dit-on unanimement

Et travailleuse, son père peut lever le front

Dans tout le village c’est un événement

Ils seront de la fête bientôt et danseront.

Le Pierrot attend vivement la retraite

Il voudrait profiter de ses petits enfants

Après une longue vie de labeur il souhaite

Sans trop y croire des lendemains chantants.

Le jardin privé.Galane.2012.

Elle ouvre les volets et affiche son cœur

Et montre clairement qu’elle n’a rien à cacher

Spectacle au grand jour des rayons de bonheur

Qui attise l’envie. On va lui reprocher

D’être aussi heureuse et de le démontrer.

Mais l’image qu’elle donne est-elle réalité

Ou bien un paravent qu’on ne peut pénétrer

Pour protéger son âme et son intimité.

Et les gens de parler, de dire, d’investiguer

Pour savoir à la fin qui partage sa vie

De tenter des avances et d’épiloguer

Sur toutes les rencontres plus ou moins suivies,

Sur ceux qui la côtoient sur le lieu de travail

Sur ceux qui ont le droit de cogner à sa porte

Ou ceux qui n’ont loisir de franchir le portail

C’est ainsi que on-dit et potins se colportent.

Mais que dit-elle enfin pour que l’on s’interroge

Ou que ne dit-elle pas qui fait que l’on devine

La grande solitude qui arrête, qui limoge

L’esprit trop curieux et les phrases mesquines

Alors que l’amitié absolue et discrète

Se garde d’abreuver d’inutiles questions

Cette amie solitaire aux affections muettes

Qui choisit d’étouffer ses interrogations.

Elle cherche en vain l’amour où pouvoir se poser

Murmurer à l’oreille ses désirs évanouis

À cette âme jumelle et enfin proposer

Un voyage galant à ses rêves enfouis.

Mais où trouver cet homme à qui on peut donner

Sans crainte, sans compter, et comment le chercher.

Un homme qui vous aime et qui sait pardonner

Un cœur libre et fier de vouloir s’attacher.

Et le regard s’attarde dans le vide du jour

Aveugle et éperdu qui respire l’ennui

Il salut l’étranger d’un timide bonjour

Et se mure à nouveau quand l’espoir s’enfuit.

L'ennui. Galane.2012.

J’ai mis des fleurs séchées dans une boîte en carton

Mai l’ennui est si fort qu’il brouille mes pensées.

Je retourne les livres, les classe à nouveau

Déplace des épingles et des petits boutons

Et replie des tissus laissés à l’abandon,

Flanelle rose pâle ou lavande passée,

Et range en soupirant une paire de ciseaux.

Que m’est-il arrivé que je ne sache plus

Exercer mon esprit, et vivre mes passions

Et que le gris du ciel me donne le bourdon

Je commence une chose et ne la finis pas

Le moindre des problèmes n’est jamais résolu

Je sais, je me promets de me mettre au travail

Je me dis que le temps passe si lentement

Que pour tuer les heures je prépare un repas

Regarde à la fenêtre, surveille le portail

Que personne ne pousse, je n’existe guère

Je vaque à l’inutile, au désenchantement.

Il m’arrive soudain de rêver que je vis

Me trouve des amis, voudrais les inviter

Mais la peur surgit, me clame et vocifère

Que je ne sais pas être, que je ne saurai pas

Et renforce l’idée qu’il faudrait prétexter

Inventer sans trahir une vie trop remplie

Raconter le dehors, cacher ma solitude

Jouer de féminité, rire à grands éclats

Montrer sur tous les fronts une vie accomplie

Puis, écouter les autres avec sollicitudes.

Je me mets au dessin, corrige des photos

Respire l’air du jardin et des plantes sauvages

Ou récite un poème, écoute un concerto

Passe temps périmé, envies d’un autre âge.

On ne rajeunit pas le fond de sa pensée

Quand la vie est ailleurs, qu’elle nous est refusée

Vivre est déjà un luxe pour les désabusés,

Pour les âmes meurtries et pour les cœurs blessés.

Allons, secouons nous, qu’ai-je fait de ce jour

Rien, me direz-vous, mais peut-être est-il temps

De sortir de l’obscur, de faire un petit tour

Et repeindre mon âme aux couleurs du printemps.

La victime. Galane.2012.

C’est lui qui m’a tuée je l’ai vu me frapper

Jusqu’au dernier moment j’ai regardé ses yeux

Une vision d’acier, d’une froidure extrême

Sous des traits blancs et durs, grimaçants, vénéneux

J’ai cherché à m’enfuir sans pouvoir m’échapper.

Il m’a vue m’effondrer de terreur, le teint blême.

Il riait froidement tandis que j’implorais

De me laisser en vie. Je criais, j’appelais

Mais dans la nuit noire qui pouvait entendre ?

J’ai revu mes parents, tout ceux que j’adorais

Suppliant cet homme pour qu’il veuille comprendre

Que je ne dirais rien, que je ne savais plus,

Qu’il pouvait me voler, mais il me harcelait

Il prenait du plaisir et jouissait de ma peur

Je l’avais bien cherché, je l’avais bien voulu

J’aurais du être ailleurs et non sur son chemin

Et qu’il me torturait vraiment à contrecœur.

Mais voilà, je suis morte, et lui, en liberté

Je l’ai vu essuyer jusqu’aux traces de pas

Si je pouvais parler, je pourrais raconter

Qu’il a téléphoné à un certain Firmin

Qu’il nettoya sa veste et qu’il la défripa

Et compta son butin avec voracité.

Je n’ai vécu sur terre qu’un tout petit chemin.

A mes parents chéris je pense bien souvent,

Et la nuit je reviens leur souffler des mots doux.

Je caresse les livres et les photographies

Je traverse la pluie le soleil et le vent

Et pare mes cheveux de voiles et de bijoux.

Je m’attarde parfois dans les lithographies

Comme je le faisais avant d’être partie.

Et mon père me regarde avec intensité

Ses yeux cherchent les miens sans jamais les trouver

Et le cœur de ma mère se meurt au ralenti,

Vivre sans son enfant est une infirmité.

Je sais que le procès a lieu après demain

Et que mon assassin n’est pas interpellé

Je voudrais déposer une plainte ultime,

Des preuves, des indices de mes propres mains

À la barre, les morts ne sont pas appelés

À dire leurs confessions même les plus intimes.

Aussi vais-je errer autour de ce damné

Revenir le hanter jusqu’à n’en plus finir

Au point que le remord le pousse à se trahir.

Le temps dune peur. Galane.2012.

Que faisiez vous Anna, deux rue du Vésinet.

On raconte tout bas qu’un ami d’autrefois

Amoureux fou de vous, vous écrit des sonnets.

Et je ne puis montrer mon triste désarroi

Sans avouer mon dépit et mon infortune

Vous portiez cette robe de pâle mousseline

Et ce fin calicot aux teintes opalines,

Enfin ce réticule d’étoffes fauve et brune.

On me dit que ceci, on me dit que cela

Que vous pensez tout haut, que vous rêvez tout bas

Et que je fais partie désormais du passé.

Pourtant, hier encore, vous me teniez la main

Vous cherchiez pour nous deux, un nid, une villa

Amusante et joueuse vous étiez si pressée

Qu’il semblait impossible d’attendre à demain.

Dites moi simplement que ces commérages

Sont de pures folies, que vous êtes à moi

Que vous ne voyez plus ce vieil adorateur

Que vous étiez ici seulement de passage

Venez calmer le trouble où je suis, mon émoi

Et dites que ces gens sont des bonimenteurs.

J’ai peur d’être jaloux et je ferme les yeux.

Je voudrais être vieux près de vous mon aimée

Le soir à la veillée aux chaleurs de l’été

Mon bras sur votre épaule caressant vos cheveux

Tombants sur vos châles de broderie lamée.

Puis, soudain je me dresse, étonné, ridicule

Ne comprenant plus ce qui m’a inquiété.

Je ne suis pas fou, ni trompé, ni crédule,

Je suis sûr que demain reverra mon amie

Me dire que notre amour crée bien des ennemis.

La Chaise. poème de galane. 2012.

Les barreaux du dossier sont d’un noir de corbeau

Maigres et étriqués ils montent justement

Pour venir griffer telles des pattes d’oiseau

Le pâlot dosseret de velours lunaire.

Sous les pieds cambrés, des serres animales

Se fixent dans le sol avec entêtement

Et regardent, passives le chanvre ordinaire

Enceignant les galons aux nuances hiémales.

L’assise bombée de toile opaline

Ordonne au voyageur de ne pas s’y poser

Elle regarde, sublime, la gente féminine

Et subit ses caresses avec étonnement

Une belle personne essaie de s’imposer

Et murmure à l’objet quelque chuchotement

Mais la chaise, obstinée se dresse sur ses pieds

Et répand sa froideur pour la désobliger.

Un tabouret de bois vacillant et précaire

Bascule sous le poids d’un enfant qui s’assied.

Le petit banc jaloux voudrait bien partager

La joie d’être privé d’un seul locataire,

Mais il doit endurer et porter sagement

La foule d’invités du maître de céans.

La lumière tamisée qui éclaire la chaise,

Donne un luxe princier à ses petits barreaux

Dont les montants façonnés à l’anglaise

Dégagent un parfum tenace de sureau.

Et la cloison renvoie l’ombre grisée du bois

Étirant le dessin sur un voile de soie.

Telle blanche vestale l’altière respectée

Agrée moult hommages de noble volupté.

Car nul ne la touche plus qu’un regard envieux

Elle trône, élégante, respectée, anoblie,

Destine ses reflets à l’hôtesse des lieux

Qui caresse, languide, ses formes accomplies.

Un chaton s’étire et glisse mollement

Sur les pieds de la chaise et se replie soudain

Il venait d’oublier et fuit confusément

L’interdit de toucher, l’espace d’un moment

Sous peine de subir l’opprobre et le dédain

Ce joyau défendu, et vient d’être chassé

Car on ne peut s’asseoir sur un objet classé.

Le Bal des pendus. A.Rimbaud

BAL DES PENDUS

Au gibet noir manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser danser aux sons d’un vieux Noël !

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles :
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
Se heurtent longuement dans un hideux amour

Hurrah ! Les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !
On peut cabrioler les tréteaux sont si longs !
Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !
Belzébuth enragé racle ses violons !

ô durs talons, jamais on n’use sa sandale !
Presque tous ont quitté la chemise de peau :
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.

Hurrah ! La bise siffle au grand bal des squelettes !
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !
Les loups vont répondant des forêts violettes :
À l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer. .

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !

Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre :
Et, se sentant encor la corde raide au cou,

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.

Au gibet noir manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.

Le chik égyptien.

Ma Reine, mon tourment, vous ne m’avez point mis

En vase funéraire, ni même momifié.

Me voilà éconduit comme une simple fourmi

Alors que votre Api est déjà statufié.

Mes fines ossatures sont ternes et peu voyantes,

À peine quelques rayures sur mon torse, et encore,

Et pourtant je vous garde en bonne obéissante

Et vous soigne tout doux de l’aube à l’aurore.

J’ai croisé votre chat, cet illustre Bastet

Qui m’a donné la patte pour me jeter dehors,

Monsieur se prend pour Dieu et n’en fait qu’à sa tête

Il ronronne et chaloupe et fait le matamore.

Je vous dis tout cela, dont vous n’avez que faire,

Mais croyez bien qu’un jour on parlera de moi.

Je sais, dans dix mille ans, sous forme publicitaire,

Je piquerai alors, sans flèche ni carquois.

Ah, si je pouvais me faire crocodile ou serpent,

Me considèreriez à ma juste valeur,

Mais oui, comme Sobek, qui aiguise ses dents

Sur les ânes du Nil, pauvres souffre-douleur !

Je penserai à vous dans des années lumières,

Allant du chien au chat, sans penser que peut-être

Celui que j’ai piqué eut son arrière grand père

Dans la cour de ma Reine, entre porte et fenêtre.

Bouquet sauvage.Galane.2013.

Il s’échappe un bouquet sauvage et prolifère

À la robe rose pâle et de passe-velours

Un œillet dentelé d’épines conifères

Secoue sa chevelure sur les belles de jour.

De parme et de dragée le rose s’effiloche

Et se mêle aux toisons marguerites des près

Mèches longues et bouclées qui font de doux reproches

Aux tiges d’ellébore au ton vert diapré.

Et le faux cotonnier à la blanche parure

Hérisse sa vessie de pailles minuscules

La plante se déchaîne en riches échancrures

Et semble s’alourdir de petits ventricules.

Les feuilles de fougère aux ramures velues

Constellent le bouquet de dentelle amandine

Et gonflent ses atours de sporules poilues,

Majesté et mirages de chimie viridine.

L’accident.Galane.2013.

C’est la cacophonie, le monde se bouscule

Il ne sait où aller sans se faire piétiner

Loin de se dégager, il traîne et déambule

Mais la foule l’obsède et va le malmener.

Car il ne voit rien et ne peut avancer

Un tonnerre de voix l’envahit peu à peu

Qui l’étouffe et l’étreint, le fait se balancer

Dans une danse folle et d’un rythme joyeux.

Les clameurs de la fête et les éclats de rire

Fusent de toute part, et l’on saute de joie

Lui ne sait pas encore qu’il connaîtra le pire

Et sera écrasé sous les roues d’un convoi.

Thérapie.

Thérapie d’écriture et autres inventions

Se côtoient librement dans la tête malade

On cherche à connoter ses moindres intentions

On récite poèmes, des odes et ballades .

Quel est dont ce tourment qui vous tourne l’esprit

Parti pris mensonger de croire que l’avenir

Pourrait être meilleur que ce charivari

Que ces moments troublés pourraient enfin finir.

On cherche au fond de soi comment on peut sortir

Du noir intempestif qui vous broie la cervelle

On voyage en silence car on voudrait partir

Mais la vie nous rattrape à nouveau de plus belle.

Génie de l’invention la tête se promène

Au milieu des pensées même les plus tenaces

On dirait que le vent qui souffle et nous emmène

Pendu solidement sous les doigts d’un rapace.

Et l’esprit vagabonde une dernière fois

Il sursaute et se meurt dans un trouble indécent

Il se jette sur les murs des amours d’autrefois

Pour finir terrassé par un drame récent.

Mais comment se sauver de cette frénésie

Qui noircit les journées et se plaît à ravir

Du cerveau alangui l’espérance de vie

Et bride savamment la moindre fantaisie.

Le Chat.

Tu joues avec tes yeux aux miroirs émeraude

Et regardes la vie avec empressement

Tu ronronnes a l'envie comme un chat en maraude

Et t'étires soudain avec ravissement.

Gentil félin d'amour aux jambes élastiques

Tu te meus souplement et parcours de baisers

Mes songes de bonheur mes pensées oniriques

Qui rougeoient follement sous l'immense brasier.

Qu'une ombre se balance devant ton regard vert

Et tu gonfles le dos, agite tes cheveux´

Te voilà pénétré, et, la tête à l'envers,

Éloigne le malheur d'un beau geste nerveux.

Et tu repars enfin secouant ta crinière

Aux boucles que les ans ont tardé de blanchir

Tu Tricotes et festonnes une belle barrière

Que seul ton amour a le droit de franchir.

Comptes d'humeur.Galane.2012

Soit, tu n'as pas menti, si j'en crois tes rengaines

Mais les mots que tu dis m'ont blessée tout à l'heure

Mon cœur est en chagrin et mon âme se traîne

Je fuis en bouderies et en mauvaise humeur.

Tu m'aimes sans éclats, sans tapage nocturne

Je meurs à petit feu de nos jours ennuyeux

Rejoue moi s'il te plaît la chanson de saturne

Une ronde d'étoiles de fastes malicieux.

Je voudrais du panache à nos fêtes câlines

Des clinquants de caresses gantées de velours

Un luxe scandaleux de jonglerie féline

Qui hurle des émois de saison des amours.

Tes milles inventions, tes prouesses sauvages

Me sont plus nécessaires qu'un matin de soleil

Je bois ton univers, je flâne, je voyage

A murmurer ton nom a chacun des réveils.

Redis moi dans un cri tes pensées minuscules

Pour effacer du front mes rides de tristesse

Je voudrais que tes mains chavirent et me bousculent

En repoussant au loin ces moments de détresse.

Tu m'aimes me dis tu, tu n'as que moi en tête

Mais tu n'apportes plus ces beaux bouquets fleuris

Tu dis que justement ce soir est notre fête

Alors emporte moi brillamment mon chéri.

la chaleur.

La chaleur envahit le moindre des abris

Et le soleil brûlant assèche les rosiers

Les ombres courtes et pâles ont déjà assombri

Les sièges de toile et reposoirs d’osier.

On s’évente le front en soufflant de l’air chaud

Et sur la peau humide aux dorures nacrées

Courent de minuscules perles de sueur et d’eau

On s’allonge à présent pour la sieste sacrée.

De tout petits insectes à l’envol hésitant

Se posent sur le miel des fleurs de jardin

Les doux élytres fauves aux fils palpitants

S’ébattent mollement sur un voile blondin.

Un chaton noir et blanc paraît à la fenêtre

Il contourne les arcs d’un balcon de métal

Et son regard se fige à quelques millimètres

D’un papillon d’argent en quête végétale.

Sur le seuil des maisons à la pierre jaunie

Des coupelles sont posées pour la gente féline

Que la tiédeur du soir pousse à l’hypotonie.

Les notes du clocher nous semblent féminines.

Les cris des enfants nous ramènent à la vie

Et l’on entend courir et sauter vivement

Le groupe de nageurs épanouis et ravi

De la lumière de l’eau, des éclaboussements.

Le râle indécent.

Un souffle vague et mou nous emplit la poitrine

Lorsque nous pénétrons dans l’enceinte privée

Des malades alités dans leurs couches voisines

La pâleur de leur teint semble être délavée.

Ils regardent le ciel ou le blanc du plafond

Ils mesurent le temps au rythme des repas

Ils espèrent tout bas jusque dans le tréfonds

De leur âme meurtrie la mort qui ne vient pas.

Mais que pouvons nous faire ou dire à ces amis

Qui donne le sourire et l’envie de vieillir

Alors qu’on leur raconte souvent à demi

Qu’ils ont fini leur temps et vont bientôt mourir.

Savent-ils que partis, ils ne s’absentent plus

Et habitent nos vies aux instants les plus forts

Qu’ils savent notre route pour l’avoir déjà lue

Et traquent nos esprits dans un immense effort.

Et un râle indécent s’échappe à nouveau

Un long souffle d’air chaud qui siffle au passage

Les nuages noircis dessinent des corbeaux

Aux ailes dentelées du plus triste plumage.

Nos mains piteusement caressent le visage

Ou l’épaule amaigrie pour dire l’amitié

Et chasser l’impression d’un douloureux présage

Nos cœurs se meurent d’aimer seulement à moitié.

Quand le départ arrive et délivre enfin

Cette âme déjà morte d’avoir trop attendu

Quelques mots de chaleur, un voile ténu et fin

Traverse nos esprits pour qu’il soit entendu.

Le brouillard. Galane. 2012.

Dans l’épais brouillard, les ombres se dessinent

Et semblent s’agiter dans une rare lenteur

Une onde fuselée d’une pâleur maline

Se déplace et éclaire une faible hauteur.

Une panne sans doute fige les voyageurs

Qui descendent, affairés et cherchent la lumière

Mais pour voir une goutte, c’est une vraie gageure

Une densité blanche efface les barrières.

La brume des nuages sème la confusion

On ne sait où se trouvent les limites des rues

Les occupants se parlent avec effusion

Depuis peu les arbres ont même disparu.

Et les torches allumées laissent des traces blanches

Qui s’arrêtent aux pieds ou une faible distance

Les chauffeurs réfléchissent les poings sur les hanches

Au loin certains s’avancent avec méfiance.

Une pluie fine et froide commence à tomber

Enveloppant les nues de pastilles brillantes

Un âne dans le près tente de regimber

Et dépasse une vache à l’allure nonchalante.

On attend que la nuit noircisse l’horizon

Et lève les vapeurs parasites et confuses

Tandis que l’on devine une bande de gazon

Il se dessine enfin quelques lueurs diffuses.

Les inséparables.( d'après une œuvre de Tofoli) Galane.2012.

Il est assis groupé sur son gentil derrière

Et porte sur son dos son dernier petit frère

Sa chemise écarlate et jaune safrané

Frise sur le pantalon et lui colle à la peau

Qui lui donne le teint doré et basané

Sur le sol, à ses pieds, se trouve un grand chapeau.

Le petit se raccroche au frère protecteur

Et semble jouir ainsi d’un moment de bonheur.

Et l’aîné raconte une histoire homérique

Où se jouent des exploits quasi chevaleresques

L’enfant imagine des actes fantastiques

Et rêve incontinent de les vivre ou presque.

Leurs fronts se touchent dans un élan affectueux

Et un souffle léger mélange leurs cheveux.

Comme deux inséparables la belle fratrie

Écoute le silence qui suit la narration

L’enfant émerveillé, se retourne et sourit

Et chuchote à l’oreille toutes ses émotions.

Le plaisir partagé, ils se sentent plus forts

Et montrent un air joyeux dedans comme dehors.

Le jupon. Galane.2012.

Elle souleva son jupon lestement,

N’ayant sur elle que ce seul vêtement.

Ses pieds chaussés de mules de soie basanée

Elle glissa savamment sur le parquet ciré

Et montra son mollet joliment dessiné

Elle fut satisfaite, se sentie admirée.

Ses petits seins de velours blanc gainés

Montrent leur nez coquin et satiné.

Elle ouvrit le tiroir de son coffre d’ébène

Et prit un rang de perles grises ardoisées

Elle porta à son cou la parure de reine

Et recouvrit son corps d’un châle chamoisé.

Ses mains blanches finement déliées

Caressent le fin tissu déplié.

Elle se posa enfin dans un siège créole

Respirant le parfum subtile du jasmin

Un cadre relatait un voyage en gondole

Qui l’avait enchantée un merveilleux matin.

Les yeux se perdent dans les souvenirs

Elle entrevoit un heureux avenir.

L'étonnée. Galane.2012.

On ne peut rien lui dire, elle s’ébahit de tout.

Elle a l’air de rêver et quand on la questionne

Elle tombe des nuages et conteste sur tout

Elle ne peut rien voir sans qu’elle s’en étonne.

Pourtant elle travaille et donne des conseils

Ses avis sont parmi les mieux considérés

Et sa force de labeur n’a pas son pareil

C’est une femme active juste un peu maniérée.

Qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’on la rudoie

Car à bien y songer elle se moque de nous

Elle est bien plus futée que ce que l’on croit

Et voudrait bien parfois nous voir à ses genoux.

Vraiment dit-elle abasourdie je vous assure

Que je ne connais rien à cette mécanique

Je trouve du reste que vous êtes un peu dur

Est-ce ma faute à moi si je suis asthénique.

D’accord j’en conviens, je change souvent d’avis

Mais il n’y a pas de quoi me faire un procès

Je ne fonctionne pas selon mes seules envies

Au contraire je voudrais être plus effacée.

Mais voilà, c’est ma façon de vivre et d’exister

La gloire importe peu, pas plus les compliments

Alors mes chers amis, à quoi bon résister

Venez et partagez avec moi ces moments.

L'amphore grise. Galane.2012.

Elle trône sur le palier de dalles bleu céleste

Grise et élancée au col long et leste.

On l’avait apportée précautionneusement

Emballée de carton et paille canari

Un nœud de tulle acier formait un ornement

Et enceignait un mot sur un papier de riz.

Sa poitrine anguleuse reflète l’opulence

Le couloir est marqué de sa seule présence

Un lutrin transparent allait de compagnie

Et portait un recueil de dessins colorés

Une belle écriture aux ambages jaunis

Signait l’illustration joliment décorée.

Une anse grande et forte et de verte tenue

Finissait cet objet à la bouche menue.

Au bas de l’escalier un beau masque africain

Regardait le lutrin et l’amphore éclairée

Au mur, un tableau, sans doute cousin germain

Occupait la descente, embellissait l’entrée.

Et le vase moderne, magnifique ornement

Reçoit les hommages voluptueusement.

Un rayon de soleil anime doucement

Les beaux objets dont les ombres familières

S’étirent sur le sol silencieusement

La porte ajourée ouvre un puits de lumière.

L’amphore rajeunie de jade et de fumée

Respire la splendeur d’une heure parfumée.

La robe safran.Galane.2012.

Dans le frais tourbillon de la soirée mondaine

Madame se pavane en robe de velours

Et les mains gantées joliment de mitaines

Elle évente le front de son nouvel amour.

Elle porte un caraco absinthe et abricot

Sur son fourreau d’ébène très décolleté.

Et les cheveux noués d’un ruban à picots,

Tombent négligemment en boucles pailletées.

Une femme drapée d’un calicot safran

S’avance et observe ce jeux de séduction

Coquette, elle arrange sa coiffure en un cran

Et feint en les voyant une vive émotion.

Mais n’était-ce pas vous qui dîniez l’an dernier

Dans ce petit hôtel de la côte atlantique

Mais oui, je me rappelle, inutile de nier,

Vous portiez ce chapeau tout à fait exotique.

J’ai même souvenir de la robe moirée

Que vous portez toujours sous ce fin mantelet

Vous arborez aussi, la montre de gousset

Vous êtes à l’identique de cette soirée

Piquée, la jeune femme se retourne gaiment

Vous aviez remarqué combien j’étais jolie

Et que ma mise, alors m’allait divinement

Merci du compliment, vous êtes fort polie.

Permettez moi aussi de vous congratuler

Le vert et le safran reflètent votre teint

Vous vous donnez du mal à bien dissimuler

Le dépit qui vous ronge et qui vous étreint.

Les femmes se quittèrent en se tournant le dos

Le regard haut et fier et saluant chacun

Sous la scène, l’orchestre jouait un tango

Madame s’élança dans des bras opportuns.

La fourchette.Galane.2012.

Dans le coffret de cuir de teinte bleu fané

Des couverts d’argent aux volutes chiffrées

Sont alignées depuis de très longues années

Et tapissent une toile de velours gaufré.

Au centre de la boîte une fourchette bleue

Seule et dépareillée est rangée de travers

Deux lettres enlacées au jambage soigneux

Décorent et signent le manche sur son envers

Le C de Charlotte ou bien de Coralie

Se mêle à un I, signe majestueux

Rappelant une ancêtre dont les photos pâlies

Emplissent la maison et les meubles précieux.

Seul et isolé le petit instrument

Intrigue et questionne sur les maîtres des lieux

Cette unique fourchette solitaire à présent

Devait être un cadeau de jour cérémonieux.

Et l’argent terni par le temps et l’usure

Se grise, teinté de brunes auréoles

Comme l’écrin criblé de fines égratignures

Ils évoquent des temps de riches protocoles.

La boîte se referme avec tous ses secrets

Sur le couvercle bleu une main soigneuse,

Caressante et rêveuse suscite des regrets

D’une vie d'autrefois sans doute tapageuse.

Le bois de couleur. Galane.2012.

Le petit coffre en cèdre exhale et secrète

Des essences musquées fortes, sans retenue

Sa maille rosée de lignes indiscrètes

Ombre l’abattant aux serrures menues.

Une pile de linge au coton doux et fin

Tapisse le plancher de ce bel ornement

Et l’odeur de l’étoffe mêlée de fils de lin

Se croise et se métisse souterrainement.

Il n’est pas un secret révélé par le bois

Que ne filtre le linge et qui ne l’envahisse

Un col de madras se raidit sous l’empois,

Repousse doucement un foulard et le plisse.

Plus loin un guéridon de bois de cèdre blanc

Se campe et supporte un napperon brodé

Il expire, marbré de rousseurs d’antan,

Les parfums de Biblos, odorants, démodés.

Et la pièce trahit les senteurs exotiques

Du parquet acajou couleur de bois de rose

Ou la cire cardinal des lustreuses antiques.

Une résine sous bois enveloppe les choses.

Les roses des bois.Galane.2012.

Les lianes se balancent et jonchent le sol

De fins boutons ouverts teinte café au lait

Prennent des allures de petits parasols

Égrainant leurs semence d’un noir de jais.

Les tiges nombreuses et interminables

Se croisent et s’abandonnent le long d’un bois noir

Elles croissent et colonisent l’hôte vulnérable

Qu’elles étouffent et gangrènent sans plus d’espoir.

Et le poids des ramures affaisse les palmiers

Qui se courbent et jaunissent comme emprisonnés

Les palmes hautes et fortes souffrent en premier

Captives sous les nombreux liens désordonnés.

Les roses épanouies au cœur de tabac brun

Se cabrent fièrement et jaillissent partout

Les pétales se brûlent au soleil opportun

Et se cassent, tombant dans un pâle froufrou.

Déjà, sous les feuillages des roses de bois

Quelques pousses grandissent et gravitent à nouveau

Elles vont, se multiplient et imposent la loi

Aux arbres pénitents redoutant cet assaut.

Dans la maigre ravine où nichent les rongeurs

Les lianes parasites offrent des nids secrets

Et les herbes folles grimpent à la faveur

Du désordre confus le long des bas murets.

La houle.Galane.2012.

Majestueuse, élancée, la houle s’effiloche

Fumée grise d’étain ou pâle d’un matin

Elle monte et forme en son creux une poche

Puis s’affale d’un coup pour se casser enfin.

Et les mille cellules de mousse voltigeant

Bouillonnant, turbulentes, dans la lumière

Éclatantes de vie, au tumulte exigeant

Se perdent dans une pluie fine coutumière.

Le flot puissant bouscule et frappe les galets,

Il infiltre le sable où se meurt doucement

Quelques bulles irisées en un fin mantelet

Les coraux se brisent dans un craquèlement.

La plage inondée de perles océanes

Brille et scintille sous le soleil d’été

Et le ciel grisé aux éclairs de titane

Se perce de reflets aux nuances bleutées.

Sous le feu des rayons la crête des vagues

Se dore et se colore de mille lueurs

Et pointe ses lames aigues de fines dagues

Pour éclater enfin en un bain de vapeurs.

Le Latanier .Galane.2012.

Il côtoie, élancé ses frères lataniers

Et se berce au vent de dernière marée

Envieux et jaloux des fruits du bananier

Dont les palmes vertes viennent de s’égarer.

Ses cousins de la ville sont plantés en troupeau

Dont les feuilles se croisent impétueusement

Ils protègent un jardin, et forment un manteau

Où bien ils font de l’ombre imperceptiblement.

Quelques branches jaunies colorent le jardin

D’or et de vénitien tandis que la vanille

Rampe sournoisement sur le tronc d’un manguier.

Et le sol est jonché de mille brindilles.

Le ciel rose envahit le jardin tropical

Les doux palmiers jaunis s’embrasent un instant,

Emphase enrichie d’une pluie végétale

Et rythmée sous l’emprise d’un souffle vivant.

Un cocotier chargé de fruits exotiques

Dévoile ses ramures en toisant les palmiers

Il offre à l’azur pâle et limpide du ciel

Sa verte majesté au soleil coutumier.

Le palmier attendri sur ses tiges futures

Se penche et s’abreuve pour mieux les nourrir

Il noie ses racines de belles augures

Et flatte ainsi le tronc qui ne veut pas mourir.

Les palmes déchirées aux ombres de sépia

Recouvrent le gazon et la terre brunie

Des épines café d’un plan de séquoia

Tapissent le parterre de mousse à l’infini.

Et le soir tombe enfin et plonge dans l’obscur

Les rames de palmiers et la végétation.

Des enclos protégés, halos de verdure

Recèlent leurs bijoux sans exagération.

Les herbes folles.Galane.2012.

Les herbes jaunies se courbent sur le sol

Et leurs graines flétries se perdent un moment

Les tiges côtoient de blondes paraboles

Qui coiffent leur plumet de fins prolongements.

Dans le gazon safran roussi par le soleil

Elles forment des bouquets d’un vert militaire

Tilleul, Véronèse, ou de teinte vermeil

Puis courent se cacher en bande légionnaire.

Le jardinier surprend et arrache ces tiges

D’un seul coup, violemment, jusques aux racines

Il murmure tout bas, menace et fustige

Ces plantes gênantes comme des vermines.

Et les herbes surprises se tordent un instant

Puis se cassent, étonnées du déracinement

Elles se livrent et comprennent ce geste insistant

Qui enlèvent la vie jusqu’au prochain ferment.

Et voici qu’une pluie adoucit ce moment

Qui empêche soudain la main du jardinier

D’essarter et déplanter régulièrement

Ce lopin de terre fécond et saisonnier.

Et les herbes ravies se dressent vivement

Fières d’avoir sauvé leur tête en ce jour

Elles secouent leur semence victorieusement

Songeant qu’une herbe folle renaîtra toujours.

Le petit chien. Galane.2012.

Il s’en va trottinant, reniflant parterre

Les parfums d’humus que le soleil fait naître,

Le moindre recoin qu’il est seul à connaître,

Balançant lentement son gentil derrière.

Une feuille de palme l’oblige à sauter

Il réfléchit alors sur un passage étroit

Et contourne ravi, l’obstacle du moment.

Un matou dédaigneux l’observe sur le toit

Du petit muret. Il entend bien régenter

Sur ce jardin privé et chasser cet intrus.

Le chien médusé vient s’assoir posément

Et fixe ardemment ce chat jaune et ventru.

A quelques pas de lui, un petit miaulement

Annonce la visite de nouveaux visiteurs.

Ils ont l’air impassibles et sont forcément

De la même famille que l’autre profiteur.

Un cardinal moqueur survole les félins

Qui lèvent un instant le regard vers le ciel

Puis, baillent mollement en ignorant le chien.

Et la boule de poils noirs à pointes grises

Continue son chemin. Il respire à nouveau

Et flaire un peu plus loin un os providentiel

La voix du maître résonne, sans surprise,

Qui lui dit qu’il est beau. Alors il se sent bien

Et remue son pompon comme un petit plumeau.

Le rêve d'écrivain. Galane.2012.

L’encre de la machine est à peine séchée

Sur les pages noircies et l’auteur fasciné,

Saisi d’admiration pour sa propre personne,

En proie à un bonheur à grand peine caché

Parcourt la critique de la une gasconne.

Je suis connu, dit-il, me voilà nominé !

Je savais bien qu’un jour je serais distingué

Du fatras des auteurs et autres écrivailleurs.

Du reste, l’on lit bien dans la grande colonne

Que mon style est celui d’un très grand travailleur.

Des mots et des critiques qui aiguillonnent.

Mais quel est le propos de ce livre primé ?

La belle couverture savamment disposée

Découvre un homme hirsute, une personne

Dont les folles racines tout d’abord comprimées

S’échappent du cou, nombreuses, juxtaposées.

Et les cheveux épars affichent des portraits

Aux belles rides graves et indulgentes.

Comme si l’hérédité ancienne séquestrait

La pensée pour la rendre intelligente.

Magnifique théâtre et pure poésie,

Certes, le lexique est vraiment nécessaire

Pour suivre cette histoire pleine de fantaisie

Une encyclopédie et aussi un glossaire

Servent à éclairer le fabuleux récit.

Et l’auteur de relire cent fois le journal

Dans lequel lui-même a écrit cet avis !

Dans le petit dépôt de livres et de romans

Il a laissé son œuvre pour un maigre devis

Il conjure le ciel avec un talisman

Et prie secrètement pour être reconnu

Car il est à ce jour un parfait inconnu.

Senteurs florales. galane.2012.

Sur la terre amollie par la bruine d’été

Coule un fleuve bruni et la mousse roussie

Sous le soleil brûlant, de rose moucheté,

Ouvre ses jeunes pousses. Sous la loupe, grossies

Par les larmes de pluie, les ramures végétales

Rampent timidement, minuscules pétales.

Les épices fleuries, les essences sauvages

Échappent au carcan du fourreau qui retient

Les feuilles de sauge ou bien de romarin.

Et les pierres bistres, délavées par le temps

Exhalent l’humus piquant et noir de ses écrins.

Les écorces de chêne qu’une gaine contient

Boivent cette buée, fortune du moment.

Les fleurons violets sortent du capitule

Et pleurent la rosée en gouttes minuscules.

Les épines tendues déchirent et bousculent

Les limbes fragiles des plantes odorantes

Violettes fragiles et vives renoncules.

Un parfum métallique sorti d’un fourré

Se fixe un court instant et domine les prés

Puis, s’évanouit sous une fleur grimpante.

Les genêts bouton d’or aux arômes sucrés

Grimpent sournoisement sur la rocaille grise

Et tendent fièrement leurs diadèmes sacrés.

Une liane frisée tapisse le parterre

Elle rampe, servile, et se volatilise

Et rejoint sur le puits des racines de lierre.

Une effluve de cuir arrogant et musclé

S’évade tout à coup, mêlé de foin coupé

Et la terre mouillée sous les tiges talées

Goûte la volupté du bois juste coupé.

Le jasmin envoûtant et la fleur de benjoin

Transpirent des odeurs au ton fort, délicat

Aux couleurs de lilas où les mauves pourpoints

Vêtent des bariolés péruviens ou incas.

Le subtil muguet aux grelots blancs et doux

Décline doucement son parfum de sous-bois.

Abrité mollement par un bras de sagou,

Il s’échappe à nouveau un bouquet d’autrefois.

L’adonis d’automne, marguerite framboise

Se pavane gaiment. Elle affiche et pavoise

Ses lanières de verdure légèrement crantées,

Étoffe pétillante et pleine de santé.

Les belles graminées et la douce ancolie

Complètent le tableau de certaine embellie.

La treille de chouchou revêtant la tonnelle

Recouvre lourdement les bruns de citronnelle.

Les allées de scories contournant les massifs

Conduisent au portail un visiteur pensif.

Il happe les vapeurs troublantes de juillet,

Tapote de ses pieds un petit ruisselet

Et s’en retourne enfin vers l’hôte de ces lieux

Courtoisement penché pour faire ses adieux.

Royales déconvenues. galane.2012

Sous les jupons brodés, rubans et dentelles

Caressent les mollets blancs des demoiselles.

Et la main si joliment gantée soulève

Le voile ajouré pour deviner les lèvres.

Le regard amusé s’anime, convoitise

Baisse enfin ses yeux de petite mutine.

Ronde de séduction ou valse insolite

D’un petit bout de femme presque stylite.

Cette dame s’avance et tourne vivement

L’éventail vermeil incrusté de diamants.

Sur le bras, un jonc de métal blanc tombe

Négligemment en petits bruissements,

Invite irréfléchie à ses quelques amants.

Elle voit dans le sourire celui qui succombe

A ses galanteries et redresse fièrement

Le buste et le menton en infante altière.

Car il n’est pas besoin de parler longuement

À cette lignée d’altesses très princières

Il suffit d’un portrait adroitement tourné

Pour qu’on y devine un esprit vif et clair

Pour que s’abandonne la jeune effarouchée.

Pour qu’on lui promette moult chevauchées

Dans ce pays d’asile à l’accueil somptuaire

Elle entend bien régner et saura désormais

Qu’il n’est pas besoin d’espérer séjourner

Dans sa terre natale et cela à jamais.

Combien on regretté les sourires attendris

D’une mère occupée à se vêtir le soir

Mais qui vous embrassait, petite souris,

Projetant ses baisers en face du miroir.

Qu’il était bon alors de courir et sauter

Dans les jardins royaux où les marquis dansaient

La tête en cheveux qu’il fallait chapeauter.

Rien ne vous contrariait, nul ne vous offensait.

Le marché conclu, vous serez échangée

Contre une riche contrée, rente viagère.

Le royal cousin, qui, en terre étrangère

Subira comme vous un mariage arrangé

Regarde le portrait qu’on lui a tant vanté

Redoute cette femme qu’on lui a chantée.

La nénène et band zenfant . galane.2012.

Amare out chaussure

Ou sa va tombe à terre

Arrête ravager

Et range out chambre

Ainsi va la chanson de nénène

Qui ne ménage pas sa peine

Comme dans l‘temps longtemps

Au service des gens.

Na point d’devoir pour fait ?

Ou na d’puce, don !

Allez rode ton sac

Ou sa rate le bus !

Ainsi va la chanson de nénène

Qui ne ménage pas sa peine

Qui garde les enfants

Qui veille tout le temps

Fane pas out jouet à terre

De moun y vient ce soir

Rale ton robe sur le genou

Ton manger lé pour refroidi

Ainsi va la chanson de nénène

Qui ne ménage pas sa peine

Qui baigne les marmailles

Et travaille.

Fait pas un compte avec

Ti fille là , piment sec

Ti gars là, ti brigand

Il faut coute ton moman.

Ainsi va la chanson de nénène

Qui ne ménage pas sa peine

Qui prépare les repas

Ne joue pas.

Ton jupe lé gommé

Le pied grafiné

Ou la mange trop bonbon

Le ventre lé pas bon

Ainsi va la chanson de nénène

Qui ne ménage pas sa peine

Qui repart le soir

Après ses devoirs.

Pauvres amis. galane.2012.

On n’y voit rien, c’est clair, grommela le borgne.

J’ai un œil fermé et un poing dans la trogne

L’autre n’est guère mieux, j’ai du me cogner

Au coin de l’escalier, ou me faire empoigner !

Dans l’escalier de quoi ? tu vis sur le pavé

Lui répondit un alcoolique invétéré.

Tu as piqué mon sac, et puis tu m’as bravé,

Après quoi tu t’es gentiment désaltéré.

Je t’ai volé, moi ? dit le borgne épaté

J’ai emprunté ton sac pour faire un oreiller !

Et puis mes vêtements, que tu as épucés

Gémit son comparse un peu désabusé.

Il n’en fallait pas plus pour me réveiller.

J’ai plié ta chemise bafouilla l’estropié

Allez, je suis beau joueur, rends moi mes papiers !

Contre mes godillots, pas contre un verre de lait !

Ils se rassirent tous deux jaloux de leurs trésor

Et entassèrent leur bien dans un petit carton

Ils se raccommodèrent, assis sur le béton

En serrant leur pécule, comme s’il était en or.

Les Femmes savantes. acte II, scène VI, Chrysale.

Chrysale

C'est à vous que je parle, ma soeur.

Le moindre solécisme en parlant vous irrite ;

Mais vous en faites, vous, d'étranges en conduite.

Vos livres éternels ne me contentent pas,

Et hors un gros Plutarque à mettre mes rabats,

Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,

Et laisser la science aux docteurs de la ville ;

M'ôter, pour faire bien, du grenier de céans

Cette longue lunette à faire peur aux gens,

Et cent brimborions dont l'aspect importune ;

Ne point aller chercher ce qu'on fait dans la lune,

Et vous mêler un peu de ce qu'on fait chez vous,

Où nous voyons aller tout sens dessus dessous.

Il n'est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,

Qu'une femme étudie et sache tant de choses.

Former aux bonnes moeurs l'esprit de ses enfants,

Faire aller son ménage, avoir l'oeil sur ses gens,

Et régler la dépense avec économie,

Doit être son étude et sa philosophie.

Nos pères sur ce point étoient gens bien sensés,

Qui disoient qu'une femme en sait toujours assez.

Les dessins GALANE

On peut voir dans les motifs beaucoup de na îveté. Ne vous y trompez pas, s'ils sont légers, ils reflètent la réalité d'un monde oublié. Il ne s'agit pas de caricature, ni de copie. Ils sortent tout droit de mon imagination. Ma main, ou plutôt ma souris, ou le stylet de la table graphique s'envole et va à la rencontre d'un personnage que je ne connaissais pas la seconde d'avant.

Pourquoi des animaux?

Pourquoi le monde de l'enfance?

Peut-être parce que ces deux mondes sont riches de créativité admirable.

Ils regardent l'homme en toute confiance, comme s'il n'y avait pas lieu de s'en méfier!

Parce que le rêve est plus fort que tout et permet de voler au delà des mondes sans se blesser.

Parce-que le temps s'arrête sur eux dans une attitude bienveillante alors que le monde s'évertue à courir.

La seule naîveté consiste à croire que le monde est léger et ne se moque de personne. Alors pourquoi ne pas rêver, au contraire et rejoindre le monde de l'enfance ou de l'innocence!

Je me sens proche de ces êtres biscornus, malhabiles, bigarrés, et je m'étonne seulement que la vie ne les pénétre pas au point d'envahir le monde qui m'entoure.

Ils sont pourtant nombreux et occupent près de deux mille places, sans compter les fauteuils d'orchestre que certains prennent d'autorité pour jouer le rappel sur mon petit écran!

Aujourd'hui, j'apprends les difficultés de l'aquarelle, et je mesure la distance et la patience qu'il faut pour faire jaillir sur la page la réalité vraie, pesante de la présence de l'homme et aussi la nature.

Suis-je misanthrope?

Pas du tout. Je supporte mes congènaires et noue des liens solides avec certains d'entre eux. Ce sont mes amis.

Mais qu'il m'est agréable de rejoindre vite ceux que je ne connais pas encore et qui sont enfouis au plus profond de moi-même. Alors, je dessine.

ANIMALETTRE-DESSINS GALANE

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dimanche 25 septembre 2011

Ilot de verdure. Été 2010.

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